Le travail sans repos (La Fin d’un monde par Drumont)


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  • Après La France Juive qui sera son livre le plus glorieux et le plus incandescent en 1885, Drumont revient en 1889 avec La Fin d’un monde. Où l’écrivain, même s’il exprime la même animosité contre les juifs, se concentre surtout contre la bourgeoisie, la révolution industrielle et le capitalisme. Sa vision est beaucoup plus socialiste et malgré sa ferveur religieuse, il n’hésite pas à emprunter la vision critique du capital. Ci-dessous, quelques extraits sur comment la bourgeoisie et le capital ont utilisé 1789 et la destruction de l’Eglise pour imposer l’enfer sur terre :

    Le travail est la loi nécessaire de toute société humaine, la punition de l’homme déchu, mais, dans le châtiment même, Dieu reste miséricordieux; à côté du juge qui punit, il y a le père qui frappe doucement. La loi divine n’est pas une loi d airain.

    La parole de Dieu, d’ailleurs, est formelle.

    Dieu dit à l’homme : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. »

    Il ne dit pas à l’homme :

    « Tu gagneras par ton travail non seulement le pain, mais les plaisirs, les débauches, le luxe, les voitures, les équipages de chasse des Schneider, des Halphen, des Menier.

    Il dit à l’homme : « Tu sueras, » — ce qui, après tout, est supportable, mais il ne lui dit pas : « Tu vivras enfermé dans une atmosphère meurtrière, tu épuiseras les forces de ton corps, tu videras tes moelles et tu brûleras ton sang pour produire du sucre ou de la cotonnade. »

    Notre bonne et sainte mère l’Eglise, chargée par Notre Seigneur Jésus-Christ d’être une Providence visible sur la terre et d’organiser tout pour le mieux, avait encore, tant qu’elle l’avait pu, adouci dans la pratique l’exécution de la loi de Dieu. Suave conductrice des âmes en même temps que ménagère vigilante pour les choses temporelles, elle n’aurait jamais permis que le travail prit le caractère d’odieuse et barbare exploitation qu’il a aujourd’hui. Elle ne cherchait que des occasions de donner des vacances, des congés; elle avait d’abord ses 52 dimanches, puis les fêtes chômées, puis les pèlerinages.

    On n’avait pas encore inventé cette concurrence insensée qui pousse les gens à s’agiter comme s’ils avaient la danse de Saint-Guy.

    La Bourgeoisie changea tout cela ; ne se croyant liée par aucune obligation morale envers ceux dont elle utilisait les forces, elle imagina le travail sans repos, sans trêve, le travail qui ne laissait plus à l’être humain une minute pour se recueillir, pour prier, pour penser, et elle appela cela le Progrès, le Triomphe du XIXe siècle, la Gloire de Père nouvelle. Du travail la société chrétienne avait fait un moyen de gagner le ciel sans trop souffrir sur la terre, la société bourgeoise en fît un moyen d’entrer de suite dans l’enfer.

    Chaque usinier voulut renchérir sur le concurrent et avoir plus de nègres blancs que lui. Le chel de l’Etat venait de temps en temps visiter les plantations et on lui montrait les spécimens.

    — Combien en avez-vous comme cela ?
    — Trois mille, sire…
    — Et vous les tenez à l’attache toute l’année?
    — Toute l’année, Majesté.
    — Voilà l’étoile des braves…

    Citation de Marx et Engels par Drumont :

    “Partout où la Bourgeoisie a conquis le pouvoir, dit le Manifeste du parti communiste élaboré et publié par Karl Marx et Frédéric Engels, elle a foulé aux pieds les relations ; modales, patriarcales et idylliques. Tous les liens multicolores qui unissaient l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister entre l’homme et l’homme d’autre lien que le froid intérêt, que le dur argent comblant. Elle a noyé l’extase religieuse, l’enthousiasme chevaleresque, la sentimenalité du petit bourgeois dans l’eau glacée du calcul égoïste.

    Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés si chèrement conquises l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation voilée par des illusions religieuses et poli­tique:. elle a mis une exploitation directe, brutale et éhontée”.

    Dès qu’on soufflait un peu, les statisticiens s’écriaient, effarés : » Où allons-nous î L’Angleterre a fabriqué l’an dernier 375 millions de boutons de culottes et nous n’en avons produit que 374 millions ! »

    Quand un évêque, par hasard, se souvenant de la mission de l’Eglise, essayait d’insinuer timidement que la bête de somme elle-même ne doit pas être inhumainement surmenée, quelque Havin criminel, dans quelque Siècle servile, prenait en mains la cause des patrons et demandait, au nom de la Démocratie, si l’on n’était plus sous le règne des lumières et si on allait rétrograder aux temps maudits où l’homme avait le droit de se reposer….

    Houssen Moshinaly

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