Avis sur “Journal d’un curé de campagne” de Georges Bernanos


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  • Journal d’un curé de campagne restera un chef d’oeuvre quelle que soit l’époque. Quand on veut connaitre Bernanos, c’est bien de commencer par sa pièce maitresse.


    Journal d'un curé de campagne restera un chef d'oeuvre quelle que soit l'époque. Quand on veut connaitre Bernanos, c'est bien de commencer par sa pièce maitresse.

    Il serait incongru de penser que l’auteur du Journal d’un curé de campagne est plus d’actualité que jamais en 2021 et au delà. Et pourtant, Bernanos revient dans toutes les bouches, celles de la dissidente de droite comme de gauche. Mais ce n’est pas le journal d’un curé qui en fait un visionnaire, même si les phrases majestueuses de ce roman/essai/pamphlet recèlent quelques perles d’éternité. Non, il est d’actualité pour un autre de ses livres, “La France contre les robots”, qui est tellement visionnaire qu’on dirait que Bernanos a voyagé dans le temps de la France après 1980, qu’il a tout vu et qu’il a raconté dans un livre publié en 1947. Je ferais sans doute une note de lecture sur la France contre les robots, mais pour l’heure, intéressons-nous au petit curé.

    Sorti en 1936, Journal d’un curé de campagne est considéré comme un chef d’oeuvre de la littérature française. Récompensé par plusieurs prix, notamment celui de l’Académie française et adapté au cinéma, il recèle tellement de facettes, tellement de fulgurances à la face du monde qu’on en sort sonné, comme si on venait de passer une heure avec un grand philosophe de l’antiquité et qu’il nous assené toutes ses vérités, toutes ses turpitudes et qu’on en ressort illuminé, ko, mais illuminé.

    Comme son titre l’indique, cette oeuvre met en scène un curé qui écrit son journal. Même les mentions à des pages arrachées d’un prétendu cahier de ce jour, y est retranscrit. Il raconte la vie de ce curé dans son petit village et qu’il fait face à la noirceur du monde, à ses démons intérieurs et à ce qu’il pense que le christianisme est devenu. Le journal d’un curé est un livre sur la religion, sur la place des curés qui se transforment souvent en comptables plutôt qu’en bergers de leurs troupeaux. Il nous raconte la petite noblesse, la noirceur des enfants, le regard railleur des gens, même des plus innocents, à mesure que ce curé tombe dans l’alcoolisme, tombe dans la dépression, la maladie et la mort.

    Journal d'un curé de campagne restera un chef d'oeuvre quelle que soit l'époque. Quand on veut connaitre Bernanos, c'est bien de commencer par sa pièce maitresse.

    On est dans une spirale infernale et Bernanos fait dire à ses personnages ce qu’il pense réellement du monde. De l’injustice, de la mort du soldat-chevalier. C’est aussi la perdition de l’église, qui a totalement dévié de sa mission principale. De se conformer aux lois, de se prosterner devant l’Etat, de tout sacrifier pour ne pas dépasser la tête. Mais le Journal d’un curé de campagne m’a tiré les larmes des yeux par sa description de la pauvreté. Elle transpire à chaque page, la description de cette france tellement oubliée, tellement rurale, tellement délaissée qu’on a l’impression que c’est devenu une légende et que ce type de personne n’existe pas. Des servantes qui se tuent à la tâche, l’infirmière qui va se mettre avec un autre curé, ami de notre protagoniste, alors qu’il souffre de la tuberculeuse. Cette France que Depardieu a parfaitement retranscrit dans un de ses beaux films avec Mammouth.

    Des gens simples, mais qui peuvent être malfaisants, malgré eux. Une misère qui leur transperce le visage, les émotions et une telle dureté de la vie qu’ils n’ont plus de compassion envers les autres. Et paradoxalement, ce curé va découvrir l’amour de Dieu, ses facettes infinies dans la vie de ces pauvres qu’il cotoie chaque jour. Bernanos nous présente un curé, investi d’une mission sacrée, faisant du porte à porte pour essayer de sauver les âmes, mais qui se perd lui-même dans les méandres de l’âme humain dont le rejet de la religion est palpable et visible chez les mendiants comme les comptes.

    Le Journal d’un curé de campagne part dans tous les sens, sa densité est difficile à suivre et les entretiens avec les différents personnages recèlent des fulgurances à chaque page. “L’abolition de l’esclavage n’a pas aboli l’exploitation de l’homme par l’homme” ou “l’enfer est de ne plus s’aimer”. Autant de perles qui pénètrent dans la gorge des lecteurs, qui, le temps d’une lecture se retrouve dans la France des années 1930, pauvre à crever, mais enviée par le monde entier. La fin du livre est aussi dramatique que le cheminement du prêtre. Il est diagnostiqué d’un cancer de l’estomac alors qu’il a tellement de choses à vivre et il mourra dans son coin.

    L’interaction et la relation malfaisante avec Mlle Chantal, fille du comte, est un diamant de dramaturgie. Avec une enfant qui nous dit qu’elle veut “tout, tout de suite, tout le bien et tout le mal”. Une enfant qui montre souvent la population française qui a écrasé les pauvres depuis des décennies. Tout maintenant et on paiera plus tard. On est effaré par les vices de cette enfant à torturer le prêtre, à dévoiler les moindres aspects de sa vie intime. La mort de la comtesse qui n’a pas su emprisonner cette enfant du mal et le curé qui ne peut rien à part demander la grâce de Dieu. Dire que le Journal d’un curé de campagne est pour les chrétiens, en recherche de sens, est faux. Dire qu’il est pour tout le monde est aussi faux. Ce livre est pour ceux qui cherchent “une certaine idée de la France” et qui ne l’ont trouvé nul part ailleurs.

    Je recommande vivement ce livre, mais comme tous les chefs d’oeuvre, il faut prendre le temps de l’apprécier. Vous pouvez l’acheter au format papier, mais vous pouvez aussi le télécharger gratuitement puisqu’il est dans le domaine public.

     

    Journal d'un curé de campagne

    Il serait incongru de penser que l'auteur du Journal d'un curé de campagne est plus d'actualité que jamais en 2021 et au delà. Et pourtant, Bernanos revient dans toutes les bouches, celles de la dissidente de droite comme de gauche. Mais ce n'est pas le journal d'un curé qui en fait un visionnaire, même si les phrases majestueuses de ce roman/essai/pamphlet recèlent quelques perles d'éternité. Non, il est d'actualité pour un autre de ses livres, "La France contre les robots", qui est tellement visionnaire qu'on dirait que Bernanos a voyagé dans le temps de la France après 1980, qu'il a tout vu et qu'il a raconté dans un livre publié en 1947. Je ferais sans doute une note de lecture sur la France contre les robots, mais pour l'heure, intéressons-nous au petit curé.

    URL: http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=1501&Bernanos-Le_Journal_d_un_curA9_de_campagne

    Auteur: Georges Bernanos

    Nom: Journal d'un curé de campagne

    URL: https://editions.flammarion.com/journal-dun-cure-de-campagne/9782081436640

    Auteur: Georges Bernanos

    ISBN: 9782081436640

    Date de publication: 1931-01-01

    Format: https://schema.org/Paperback

    Note de l’éditeur/éditrice :
    5

    Houssen Moshinaly

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